XII. Vers une Confédération des États démocratiques ?

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Màj : 12 avril 2024   –   # pages : 17

Introduction

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Démocratie mondiale

Le développement d'une forme ou l'autre d'organisation politique mondiale est inéluctable en raison de la globalisation, ou mondialisation, phénomène économique, culturel et politique, dont l'évolution est largement déterminée par le progrès technologique, notamment en matière de transports et de télécommunications. Cette évolution est millénaire et s'accélère.

La globalisation n'est pas sans lien avec l'évolution des écarts de richesse, ou encore avec le phénomène jet set.

Dans cette dynamique, l'évolution vers la DD se traduit logiquement par le développement progressif d'une confédération des États démocratiques, composée d'États considérant la DD comme le système politique idéal, vers lequel il importe de s'approcher toujours plus.

Actuellement, les relations entre les États sont conditionnées par un point essentiel de la problématique du droit international : il n'y a pas de gouvernement mondial, qui en tant que fédération pourrait contraindre ses États membres. Ainsi les USA sont connus pour ne respecter que les décisions de l'ONU qui l'arrangent, mais pas les autres.

Ces faits suggèrent trois questionnements :

  • à supposer qu'un gouvernement mondial soit faisable, est-il pour autant souhaitable ?
  • qu'est-ce que l'ONU et comment fonctionne-t-elle ?
  • existe-t-il une troisième voie ?

ONU

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onu.png

L'Organisation des Nations unies fut créée en 1945, sous la direction du gouvernement US (président Roosevelt). Le siège de l'ONU est situé à New York. Sa mission officielle est de garantir la paix et la sécurité internationale. La totalité des presque deux cents États de la planète en sont membres. Ses moyens de coercitions sont les sanctions économiques et l'intervention militaire.

Les principaux organes constituant l'ONU sont (i) l'Assemblée générale, (ii) le Conseil de sécurité, (iii) le Conseil économique et social, (iv) la Cour internationale de justice. Ceci est l'ordre de présentation officiel (théorique) tel que défini par la Charte des Nations unies. Mais l'ordre d'importance officieux (effectif) est en réalité : Conseil de sécurité, Cour internationale de justice, Assemblée générale, Conseil économique et social :

  1. le Conseil de sécurité est l'organe principal de l'ONU, son pouvoir exécutif, et comprend cinq pays membres permanents (USA, Chine, URSS, France, Royaume-Uni) – seuls à disposer d'un droit de veto – plus dix pays membres non permanents (tournante de 2 ans) ;

    Liste des membres non-permanents actuels. N.B. : le Japon et l'Allemagne n'ont jamais fait partie des membres permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, car ce sont les perdants de la seconde guerre mondiale (PS ; l'ONU a été créée en 1945).

  2. la Cour internationale de justice sert en réalité à façonner le droit international en fonction des intérêts respectifs des 5 membres permanents du Conseil de sécurité : de même qu'au niveau des États, l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif est très relative voire factice ;

    La CIJ ne doit pas être confondue avec la Cour pénale internationale (CPI). La première limite son action juridictionnelle aux seuls États, tandis que la seconde est "mandatée" pour juger des individus ayant commis un génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes d'agressions.

  3. l'Assemblée générale fait office de Parlement (pouvoir législatif) et est sous contrôle de Washington qui utilise sa puissance financière, économique et militaire pour forcer la majorité des membres non-permanents à voter selon ses directives (PS : en outre l'Assemblé générale ne se réunit qu'une seule fois par an ...) ;

  4. enfin la fonction du Conseil économique et social est symbolique, ses compétences étant de fait assumées par le Fonds Monétaire International, l'Organisation Mondiale du Commerce, la Banque Mondiale, l'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation Internationale du Travail.

Anarchie
internationale

Le droit international a ceci de particulier qu'il ne repose pas sur la souveraineté démocratique d'un État supranational. Il en résulte que le droit international se construit de façon atypique, généralement en dehors d'un véritable débat public et démocratique. Ainsi l'ONU constitue moins un cadre juridique qu'une arène médiatique de la géopolitique mondiale.

Un des principes de base du droit international est illustré par la résolution 2131 (XX) de l'Assemblée générale des Nations Unies, datant de 1965 (donc pendant la période de décolonisation ...), et concernant la souveraineté des États. Voici deux extraits importants de cette résolution, dont l'URSS fut l'initiatrice :

  • « Aucun État n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. En conséquence, non seulement l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont condamnées » .

  • « Aucun État ne peut appliquer ni encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de toute autre nature pour contraindre un autre État à subordonner l’exercice de ses droits souverains ou pour obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit. Tous les États doivent aussi s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomenter, de financer, d’encourager ou de tolérer des activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime d’un autre État ainsi que d’intervenir dans les luttes intestines d’un autre État » [approfondir - source].

Ces principes furent rapidement l'objet d'amendements et modifications sous l'impulsion des USA et de l'Angleterre. Ainsi leur portée est contrecarrée par un article de la Charte des Nations Unies (Chap. I > art. 2 > parag. 7) stipulant que ces principes ne portent en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII.

L'ONU sous
contrôle US

Les USA utilisent leur puissance économique et militaire pour exercer des pressions sur les pays membres non permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, afin que ceux-ci votent selon la ligne dictée par Washington. Ainsi, l'ONU – créée par l'appareil d'État US alors qu'il constituait une sur-puissance économique et militaire sans équivalent – est l'expression pseudo-juridique de l'impérialisme US, maquillé sous le fard du "droit international".

Malgré cette domination US, la Chine et la Russie participent à l'ONU, probablement en raison du droit de veto dont ils disposent en tant que membres permanents du Conseil de sécurité.

Dans les sections suivantes nous verrons que la puissance US est encore vive en termes absolus, mais qu'elle commence à diminuer en termes relatifs, suite au développement économique de la Chine et de la puissance militaire russe.

Financement

Le budget ordinaire de l'ONU est d'environ 3,5 milliards de dollars, et ses premiers contributeurs sont les USA (22%) et le Japon (11%). Quant au budget des opérations militaires (dit "budget des opérations de maintien de la paix" ...), il est d'environ 6,5 milliards de dollars, et ses premiers contributeurs sont les USA (28%) et la Chine (15%) [source].

Agences
spécialisées

L'ONU dispose enfin de quelques dizaines d'agences spécialisées dans des domaines autres que le droit international (commerce, finance, santé, ...) : Fonds monétaire international (FMI) ; Organisation mondiale du commerce (OMC) ; Organisation mondiale de la santé (OMS), Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ; ....

Leur mission officielle est de faciliter le fonctionnement de la société globale. Cependant, ces organisations internationales sont intriquées avec les grandes entreprises des secteurs économiques concernés, dont elles sont presque d'officieux lobbies, en raison du va et vient de leurs cadres (cf. revolving doors), et de concomitants conflits d'intérêts (cf. capture réglementaire). D'autre part, ces organisations à vocation supranationale ont intérêt à surestimer les risques de catastrophe dans leur domaine (finance, santé, climat, ...), afin (i) de provoquer des aides financières par les États aux grandes entreprises des secteurs concernés, et (ii) de justifier la subordination des États à leur autorité, au nom de la "sécurité collective". Il en résulte un risque considérable de prophéties autoréalisatrices (cf. covid-19 ?), de détournement de ressources publiques, et de grave régression démocratique.

Les agences de l'ONU ont leurs propres budgets, non repris dans le budget ordinaire et le budget militaire de l'ONU. Ainsi dans les cinq premiers contributeurs de l'OMS – qui financent plus de la moitié de son budget – on retrouve deux organisations privées (en bleu dans le tableau ci-dessous).

Financement OMS (2022/2023)

USA15 %
Gates Foundation13 %
Allemagne10 %
GAVI Alliance8 %
UE7 %

Source

L'ONU et le "conflit israélo-palestinien".

Le fonctionnement de l'ONU est illustré de façon très éclairante par l'un de ses premiers dossiers majeurs : la résolution 181 des Nations-unies – votée en 1947 (par 33 voix contre 13 avec 10 abstentions) – qui organise le partage du protectorat britannique de Palestine en trois zones : « les États indépendants arabe et juif ainsi que le Régime international particulier prévu pour la Ville de Jérusalem » [source]. Cependant, bien que cette résolution 181 ait été signée par les USA et ses alliés de l'OTAN, ceux-ci n'ont œuvré qu'à la création du seul État d'Israël, et se sont systématiquement opposés à la création de l'État de Palestine.

N.B. Judaïsme" n'est pas synonyme de "sionisme". Le judaïsme est une religion, tandis que le sionisme est une idéologie nationaliste, prônant l'instauration d'un État juif en Palestine, ce qui requiert la soumission, l'expulsion ou l'extermination des Palestiniens. C'est pourquoi de nombreux juifs sont opposés au sionisme (et prônent le sabordage de l'État israélien), alors qu'aux USA et en Europe la plupart des suprémacistes chrétiens sont de fervents sionistes (cf. sionisme chrétien).

La non reconnaissance de l'État de Palestine a ainsi ouvert la porte au colonialisme sioniste, qui à l'instar de tout colonialisme, conduit nécessairement à l'apartheid ou au génocide. Le colonialisme sioniste a commencé dès la déclaration Balfour de 1917 (zones blanches de la première des quatre images ci-dessous) et a connu une forte intensification en 1948, par l'expulsion de 750.000 Palestiniens (Nakba) [source].

La colonisation sioniste de 1946 à 2010

colonisation-israel.jpg

Source

Entre 1982 et 2005, les États-Unis ont mis leur veto à 32 résolutions du Conseil de sécurité critiquant Israël, soit plus que l’ensemble des vetos formulés par tous les autres membres du Conseil de sécurité [source].

Dans le graphique suivant, les États qui reconnaissent l'État de Palestine sont en vert, les autres étant les pays anglo-saxons et ceux de l'UE. Cette frappante polarité entre "l'Occident" et le reste du monde (Sud et Orient) suggère que le régime sioniste est perçu comme l'expression d'un impérialisme atlantiste. Soulignons à cet égard l'influence, du sionisme chrétien, très prégnant au sein de la classe dirigeante US, souvent décrite par l'acronyme WASP. On notera à cet égard que les USA et Israël ont en commun le fait d'être le résultat d'un colonialisme (essentiellement européen), et d'avoir évincé les populations indigènes par la violence.

États qui reconnaissent l'État de Palestine

Palestine_recognition.png

Le sionisme révèle une polarité géopolitique et culturelle du monde [source].

Géopolitique

L'État d'Israël est, de facto, une base militaire états-unienne géante (et dotée de missiles nucléaires), située en plein milieu du Moyen-Orient, région stratégique car elle abrite (i) plus de la moitié des réserves mondiales de pétrole et de gaz, (ii) ainsi que le canal de Panama, passage de communication maritime par lequel transite, entre l'Asie et l'Europe, 12% du commerce mondial. Ainsi, depuis sa création en 1946, l'État d'Israël est le pays qui a le plus bénéficié d’aides des États-Unis. Selon un rapport du Congrès US, sur la période 1946-2023, près de 260 milliards de dollars ont été alloués à Israël, soit une moyenne de 3,4 milliards de dollars par an (PS : la somme réelle est probablement très supérieure). Environ 80 % de cette aide est de nature militaire [source]. Il convient également d'ajouter les très précieux renseignements que les puissants services d'espionnage US peuvent transmettre à Israël (ce qui joua un rôle déterminant dans la victoire écrasante d'Israël à l'issue de la "guerre des six jours" en 1967).

L'armée US dispose même en Israël d'une base non officielle, appelée "site 512", d'où serait opéré le "dôme de fer" qui protège le régime sioniste des attaques par missiles [source].

Selon le gouvernement israélien, le chef de la diplomatie US sous la présidence de Ronald Reagan (1981-1989), Alexander Haig aurait décrit l’État d’Israël comme suit : « Israël est le plus grand porte-avions de l’Amérique, il est insubmersible, il ne transporte aucun soldat américain et il est situé dans une région cruciale pour la sécurité nationale des États-Unis » [source].

Mais selon une thèse alternative, les réseaux de diffamation à "l'antisémitisme", mis sur pieds par l'appareil d'État sioniste aux USA (et en Europe : exemple), lui permettent de littéralement dicter la politique étrangère des USA, en faveur d'Israël, et si nécessaire au détriment des USA [source].

Ainsi le conflit "israélo-palestinien" est un révélateur de la précarité du droit international, comme de la fragilité du système "représentatif" face aux pressions de puissantes organisations.


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Atlantisme

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otan.jpg

Domination
théorique

Une donné fondamentale de la problématique internationale est la réalité d'un empire atlantiste centré sur les USA. Cette réalité fut clairement exprimée en 2017 par le président du Conseil européen, Donald Tusk, à l'occasion de la venue à Bruxelles du président US Donald Trump pour une réunion de l'OTAN : « J'ai l'intention de convaincre le président des Etats-Unis que l'alliance euro-atlantique signifie que le monde libre coopère pour empêcher un ordre mondial post-occidental » [source]. Il fait peu de doute que le reste de l'humanité, soit plus de 80% de la population mondiale, interprète ce type de discours comme suprémaciste et impérialiste.

Ces propos du président de l'UE adressés à celui des USA illustrent une conception confrontationnelle des relations internationales. Celle-ci repose d'ailleurs sur une écrasante domination en matière de capacités de guerre militaire, économique et informationnelle :

  • militaire : potentiel de projection militaire de près de trois cent mille soldats US en dehors des USA :

    • 160.000 dans des bases militaires permanentes : 65.000 soldats dans l'UE, 55.000 au Japon et 25.000 en Corée du Sud [source] ;

    • 90.000 répartis sur une douzaine de groupes aéronavals US, chacun composé d'un porte-avions accompagné de quatre à huit autres navires de guerre [source] ;

    • 40.000 dans des opérations (Irak, Syrie, Yémen, Somalie, ...) [source1, source2].

    Le budget militaire US représente 730 milliards de dollars par an, soit plus du double de la Chine (260), la Russie (65) et l'Iran (15) réunis ! [source].

  • économique : une guerre économique (notamment concernant l'énergie et la technologie) est menée de façon permanente à l'encontre des États résistants à l'impérialisme atlantiste : Chine, Russie, Iran, Irak, Liban, Syrie, Venezuela, Cuba,.. [source].

  • informationnelle : l'opinion publique peut être façonnée via le marché international de l'information, essentiellement composé d'un oligopole de 4 entreprises : AFP (FR), AP (US), Bloomberg (US), Reuters (UK) [source], toutes de pays atlantistes, et à 3/4 anglo-saxones.

Des "guerres humanitaires" sont ainsi menées au nom du "monde libre". Cependant, le tableau ci-dessous suggère que derrière les prétentions "humanitaire", se cachent des intérêts économiques (cf. le concept stratégique de "oil denial policy").

Réserves mondiales
de pétrole (%)
Venezuela18
Arabie Saoudite16
Iran13
Canada10
Iraq9
Koweit6
Emirats6
Russie5
Libye3
USA3
Total89

Source

Le cas de la Jamaharya libyenne. Le mythe des "guerres humanitaire" a été réfuté de façon flagrante par la participation de forces armées de l'UE à la destruction de la Jamaharya libyenne en 2011 – alors premier pays africain selon l'indice de développement humain des Nations-unies [source p. 13 et 407] – jetant la population sous le joug d'une économie de l'esclavage, tandis que des ministres belges ont impunément facilité le pillage de fonds souverains de la Jamahiriya gérés à Bruxelles par Euroclear [source].

David contre Goliath. Cependant l'OTAN elle-même reconnaît que les conflits en Afghanistan et en Iraq ont montré combien la guerre totale peut s’avérer coûteuse sur les plans humain, économique, social et politique et ce, quel que soit le rapport de force entre les adversaires. Dans un contexte où les technologies évoluent rapidement et où le recours à des techniques asymétriques se généralise, le fait de mener une guerre totale ne donne pas l’assurance de l’emporter sur la puissance adverse, même lorsque les ressources et le poids de celle-ci sont relativement plus modestes. La guerre conventionnelle, devient ainsi guerre hybride. Cette évolution est liée au déclin de la confiance de l’opinion publique dans la crédibilité des institutions étatiques, qui aux États-Unis est passé de 73 % dans les années 1950 à 24 % en 2021 ! [source].

USA > OTAN > UE

La présence de bases militaires US en Europe confirme que celle-ci est bien sous contrôle de Washington. Le traité de l'Union européenne rend d'ailleurs impossible toute politique militaire indépendante de l'OTAN – l'extension impériale de l'armée US – en stipulant que « la politique de l'Union (...) doit respecter les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN et qu'elle doit être compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre » [source]. Quant au commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) est toujours de nationalité US, et est nommé par le président des États‑Unis ... [source].

Financement. L'OTAN dispose de budgets et de programmes annuels d'une valeur d'environ 3,3 milliards d'euros, qui soutiennent notamment sa structure de commandement militaire permanente, permettent ses opérations et missions actuelles et fournissent les infrastructures militaires essentielles (y compris les installations de bases aériennes et navales, les communications par satellite, les pipelines de carburant et les installations de commandement). et systèmes de contrôle). Cela représente 0,3 % des dépenses totales de défense alliées [source].

Financement de l'OTAN
(top 10, %)
Allemagne16
USA16
Royaume-Uni11
France10
Italie9
Canada7
Espagne6
Turquie5
Pays-Bas3
Pologne3
Total86

Source

Nuisible ? La question se pose de l'utilité voire de la nuisibilité de l'OTAN. Ainsi Gabriel Robin, ambassadeur et représentant permanent de la France auprès de l’OTAN et du Conseil de l’Atlantique nord de 1987 à 1993, déclarait en 2009 : « L’OTAN pollue le paysage international dans toutes les dimensions. (...). Elle complique les rapports avec la Russie, ce qui n’est pas négligeable. Elle complique même le fonctionnement du système international parce que, incapable de signer une convention renonçant au droit d’utiliser la force, l’OTAN ne se conforme pas au droit international. Le non-recours à la force est impossible à l’OTAN car elle est précisément faite pour recourir à la force quand bon lui semble. Elle ne s’en est d’ailleurs pas privée, sans consulter le Conseil de sécurité des Nations unies. Par conséquent, je ne vois pas très bien ce qu’un pays comme la France peut espérer de l’OTAN, une organisation inutile et nuisible, sinon qu’elle disparaisse » [source].

Lire aussi cette "réponse aux mythes répandus par la Russie sur l'OTAN" publiée par l'OTAN en janvier 2024. Mon avis est que, dans l'interprétation la moins défavorable qu'on puisse faire à l'égard de l'OTAN, celle-ci illustre l'idée selon laquelle "l'enfer est pavé de bonnes intentions", phénomène causé en l'occurrence par l'extrême complexité des conflits régionaux, qui rend l'effet des interventions militaires extérieures dangereusement aléatoire voire exacerbant. D'autre part, un élément déterminant de cette problématique est que l'OTAN est à l'industrie de l'armement ce que l'OMS est à l'industrie pharmaceutique : dans les deux cas, il y a une incontestable capacité à susciter et entretenir la demande ... (exemple).

Quoi qu'il en soit, la déclaration supra de Gabriel Robin illustre un fait déterminant de la géopolitique internationale actuelle : l'ONU est impuissante face à l'OTAN. Cependant, le rapport de force est en train de changer, en faveur d'un "monde multipolaire". Dans la section suivante nous allons voir qu'il s'agit plutôt de bipolarité, dans la mesure où cette évolution est essentiellement le résultat du développement économique de la Chine.

BRICS+

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Rattrapage
économique

Alors que le PIB/hab de la Chine ne représentait que 8 % du niveau allemand en 2000, il en représentait 35 % 23 ans plus tard. Ainsi le graphique suivant montre que si l'évolution relative du PIB/hab de la Chine se poursuit au même rythme que durant la période 2000-2023 (courbe de tendance exponentielle pour tous les pays, ajustement le plus favorable à la Chine), alors on peut calculer que la Chine pourrait rattraper le niveau de vie la France, de l'Allemagne, puis des USA dans respectivement 10 ans (2034), 13 ans (2037) et 16 ans (2040).

PIB par habitant (PPA : dollar international 2017) + tendances exponentielles

PIB-par-hab-comparaison.gif

Selon le mode de calcul prévisionnel le plus favorable pour la Chine, celle-ci dépasserait le niveau de vie des USA (PIB/hab) dès 2040. Tableur : PIB.ods ; source : FMI.

Mais si l'on regarde non plus le niveau de vie (mesuré par le PIB/hab) mais la puissance économique (mesurée par le seul PIB), alors la Chine dépasse les USA depuis 2017, en raison de la taille de sa population. Dans le tableau suivant, les 5 pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU sont surlignés en deux couleurs : bleu pour les membres de l'OTAN, rouge pour les autres.

Population# pays% pop. mond.# dans top 10 PIB (PPA)
> 1000 millions2351 (CN), 3 (IN)
100 à 350 millions12272 (US), 4 (JP), 6 (RU), 7 (ID), 8 (BR)
50 à 100 millions14125 (DE), 9 (FR), 10 (GB)
< 50 millions16726aucun
202100

Lecture de la seconde ligne de données :
COL2 : il y a 12 pays dont la taille est comprise entre 100 et 350 millions d'habitant ;
COL3 : ces douze pays représentent 27 % de la population mondiale ;
COL4 : parmi ces 12 pays, les cinq mentionnés font partie du top10 de tous les pays du monde en terme de PIB ;
Sources :
fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_population
fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_(PPA)

Le tableau ci-dessus illustre donc les rapports des forces géopolitiques. Il montre notamment que la présence du Royaume-Uni et de la France, parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, à la place de l'Inde (IN), l'Indonésie (ID) et le Brésil (BR), n'est plus justifiée en termes de PIB. Dans le cas de l'Inde elle ne se justifie pas non plus en terme de dépenses militaires [source]. Par conséquent, la composition des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU ne correspondant plus à la réalité géopolitique, ce qui est problématique notamment en raison du droit de veto dont y bénéficient le Royaume-Uni et la France.

On ne s'étonnera donc pas de la création, en 2009, de l'alliance BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud. Ensuite, en 2023, suite au rétablissement des relations diplomatiques entre l'Arabie saoudite et l'Iran, sous l'impulsion de la Chine, l'alliance s'est élargie à cinq autres pays, tous du Moyen-Orient : Arabie saoudite, Égypte, Éthiopie, Iran, Émirats arabes unis. Le BRICS+ représente ainsi 45 % de la population mondiale, et 34 % du PIB mondial [source].

La fin de l'ONU ? L'ampleur du développement économique de la Chine a pour effet de réduire substantiellement la capacité des USA à exercer des pressions économiques sur les pays membres non permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, afin que ceux-ci votent selon la ligne dictée par Washington. Dans ces conditions, il devient plus difficile pour les USA d'instrumentaliser l'ONU pour maquiller leur politique impérialiste sous le fard du "droit international". On ne s'étonnera donc pas que fin décembre 2023, faute de financement, l'ONU a fermé "temporairement" son siège européen de Genève. Ainsi il apparaît que l'ONU est en proie à des problèmes de liquidités provoqués notamment par le fait qu'une cinquantaine d'Etats ne sont pas à jour de leurs versements contributifs, dont les Etats-Unis ... [source].

Organisations non étatiques

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Des organisations non étatiques ont acquis un pouvoir d'influence politique et économique qui dépasse celui de nombreux États. On peut les classer en trois groupes :

  • organisations internationales parainnées par l'ONU (cf. supra) ;

  • fonds d'investissement : Blackrock ; The Vanguard Group ; ...

    • Les cinq plus grands fonds d'investissement au monde sont tous états-uniens, et gèrent un total de 30.000 milliards de dollars (dont le tiers par le seul Blackrock) soit une dizaine de fois le PIB de la France, ou encore 30 % du PIB mondial ...

  • clubs de réflexion : Forum économique mondial ; Bilderberg ; ...

    • Il s'agit de réunions privées (mais sécurisées par l'armée ...) permettant aux décideurs économiques et politiques des pays les plus puissants – dont la Chine, mais essentiellement des pays occidentaux – de nouer des liens informels et de faire le point sur l'évolution du monde. Ce faisant, ces clubs privés constituent une expression de la réalité sociologique de la notion de classe dirigeante (ainsi le CEO de Blackrock est membre du CA du FEM), en l'occurrence mondiale (cf. la jet set, déconnectée de la réalité vécue par le reste c-à-d 99,9 % de la population mondiale).

Le pouvoir d'influence acquis par ces organisations non étatiques n'illustre-t-il pas un recul de la démocratie dans le monde ?

Confédération

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Les faits évoqués dans les sections précédentes illustrent le basculement d'un ordre mondial dominé par les USA, vers un monde dit "multipolaire". Cependant, le partage de pouvoir entre OTAN (dominé par les USA) et BRICS+ (autour de la Chine), ne résout aucunement la problématique de fond, qui est la domination de classes dirigeantes. Autrement dit, la multipolarité est une étape dans la bonne direction – dans la mesure où elle préserve la diversité culturelle – mais à condition qu'elle se complète par la disparition "évolutionniste" des classes dirigeantes, ces "dinosaures de la politique". Et le point de convergence de ces évolutions, c'est la confédération d'États démocratiques.

extinction-dinosaures.jpg

Allégorie de l'extinction des classes dirigeantes nationales, suite à l'arrivée de la Confédération.

Ainsi le concept de confédération d'États démocratiques est fondé sur trois principes de base :

  • la Constitution de chaque État membre déclare la démocratie directe comme étant le système politique idéal, vers lequel il convient d'évoluer ;

  • organisation horizontale préservant la souveraineté des États : la confédération ne se situe pas au-dessus mais au côté voire en-dessous des États ;

  • principe de "complétude minimale" : la confédération ne s'implique que dans les domaines ayant un aspect international, et le moins possible (principe de "surface et épaisseur minimales").

    De la non pertinence des unions monétaires (0m43s - 2017)

    Un exemple du principe de complétude minimale fut illustré par Mario Telò, professeur de relations internationales et spécialiste de l'Union européenne, lors d'une conférence présentée à l'Académie royale de Belgique en 2017. Il explique que les organisations régionales comparables à l'UE (notamment l'ASEAN) ont bien compris, au vu de l'expérience européenne, « qu'il ne faut pas se lancer dans une union monétaire ».

Le changement de paradigme vers la confédération sera probablement progressif. Il s'agit d'un processus culturel plutôt que révolutionnaire. Il peut être initié notamment :

  • au niveau collectif, par la sécession de régions des grands États (plus de 100 millions d'habitants) en États de taille inférieure à 100 millions d'habitants. Une condition nécessaire de cet objectif est le droit de sécession.

    La caractéristique de toute classe dirigeante nationale est son opposition à la sécession, ... sauf si elle en bénéficie au détriment de la classe dirigeante d'un État limitrophe.

  • au niveau individuel, par un changement de mode de vie, voire même de projet de vie, pour développer, par la pratique, nos compétences de libres producteurs de biens & services, condition nécessaire à la réalisation de la DD (cf. ./analphabetisme-informatique et linux-debian.net/citoyennete-numerique).

Quelle est la différence entre fédération et confédération ?

Une fédération est un d'État fortement décentralisé, c-à-d dont les régions qui le composent jouissent d'une autonomie dans une série de domaines. Le passage d'un État classique à un État fédéral peut constituer une étape intermédiaire vers le séparatisme en différents États (cf. Belgique ?).

Exemple : l'Allemagne est une fédération car ses Länder jouissent d'un forte autonomie [source]. Contre-exemple : la France est un État classique, c-à-d centralisé.

Une confédération est un groupe d'États, qui s'organisent sur base volontaire pour rationaliser leurs relations voire pour coopérer dans certains domaines. La confédération n'est donc pas un État, elle ne se substitue pas à ses États membres mais s'y ajoute en se situant hiérarchiquement au même niveau voire en-dessous. Elle peut cependant constituer une étape intermédiaire vers l'union en un État fédéral ou classique (cf. Union européenne ?).

La dénomination de l'État suisse comme "confédération" n'est donc pas pertinente. C'est bien d'une fédération qu'il s'agit.

Quelques différences notables :

  • dans un État fédéral, le gouvernement central est notamment en charge de la défense nationale, de la monnaie, et des affaires étrangères, alors que dans une confédération, les États membres sont souverains également dans ces domaines ;

  • dans une confédération, les États membres sont libres de se retirer unilatéralement, ce qui n'est pas le cas des régions d'un État fédéral.


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Auteur : F. Jortay   |   Contact :   |   Suivre : infolettre

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