Ce chapitre présente une série de critiques souvent formulées à l'encontre de la DD, aussi bien en termes de faisabilité que de souhaitabilité. Nous y répondons systématiquement de façon constructive.
« La démocratie est la dictature de la majorité ».
Si nous disons que la démocratie est le moins mauvais des systèmes, c'est parce que nous préférons la dictature d'une majorité à celle d'une minorité. Un État véritablement démocratique ne représente pas seulement une majorité mais aussi ce qu'il y a de commun à l'ensemble des citoyens : désir de justice, de sécurité, de coordination, etc. Ainsi par exemple qui est à même de garantir au mieux le droit des minorités et des individus si ce n'est la majorité composite de l'ensemble des individus et minorités ? Il ne faut pas perdre de vue que la composition de la majorité change à chaque sujet de votation, de sorte que ce n'est généralement pas la même minorité qui est mécontente du résultat d'une votation "perdue".
« La démocratie ce n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité » [Albert Camus, Carnets III, p. 260].
Cette affirmation, souvent médiatisée, est pourtant une flagrante erreur de logique, aussi absurde que d'affirmer : "La natation ce n'est pas nager mais se déshabiller". Certes, il est évident que pour nager efficacement, il est préférable d'enlever ses vêtements. Mais faut-il en conclure que "La natation c'est se déshabiller" ? Bien sûr que non !
La majorité peut certes se tromper et même opprimer, mais ce peut être aussi le cas d'une puissante minorité oligarchique, que ce soit à l'encontre d'une majorité ou, qui plus est, d'une minorité ! Il n'est donc aucunement justifié de renoncer à la loi de majorité et à la démocratie directe, dont l'avantage essentiel sur tous les autres systèmes politiques est d'éduquer et responsabiliser la population par la pratique de la participation directe au pouvoir politique. Cette notion de progrès requiert l'implication du plus grand nombre, notamment dans la délibération (réflexion et discussion) qui précède le vote.
échelle globale : « Élément majeur de la théorie du choix social, le théorème d'impossibilité d'Arrow (ou encore paradoxe de Condorcet) stipule que dans certains cas il n'est pas possible d'agréger des jugements portant sur trois options ou plus ».
On peut élargir la critique à la limitation du raisonnement binaire (oui/non, bien/mal, etc), que tout processus décisionnel peut difficilement dépasser. Ainsi, face à la complexité des phénomènes sociologiques (à laquelle est liée l'extrême rareté des consensus universels), toutes prise de décision est confrontée à la question de sa pertinence, aussi bien sur la décision prise, que sur le principe même de la prise de décision.
Une fois ces limitations intégrées dans notre conscience collective, on peut alors considérer un champ des possibles :
le système représentatif prend trop de décision (cf. la propension de l'UE à tout décider sur tout, dans une frénésie d'auto-justification, la fonction créant de supposés besoins), mais la DD est connue pour en prendre moins ;
Le théorème du Jury, énoncé par Condorcet, stipule que plus les membres d'un groupe de votants soumis à la règle de la majorité simple seront nombreux, « plus la probabilité de la vérité de la décision sera grande.
Enfin concernant spécifiquement le paradoxe de Condorcet et l'impossibilité d'Arrow, une réponse consiste à pondérer/valoriser le vote (exemple : méthode du jugement majoritaire).
échelle individuelle : « Le théorème de l'électeur médian stipule qu'il existe des cas où, pour un individu, la probabilité de changer le résultat d'un vote à l'aide de son seul vote ("votant pivot") est quasiment nulle, le choix médian étant généralement plébicité. Par conséquent, dans ces cas, et si les agents sont rationnels et égoïstes, le coût d'aller voter (déplacement, et éventuellement collecte préalable d'informations) est généralement supérieur à l'espérance de gain ou à l'utilité que le votant lui attribue «.
Il s'agit là d'une analyse individualiste du vote. Or celui-ci participe bien plus d'une approche collective. L'humain peut parfois placer l'intérêt collectif avant son intérêt individuel. Il peut s'agir notamment de participer à la légitimation démocratique d'une décision, quelle qu'elle soit, en maximisant le taux de participation. D'autre part la cyberdémocratie réduit le coût individuel du vote.
« Le choix démocratique en politique est systématiquement moins bon que les décisions par le marché. C'est pourquoi il faut une société commerciale, plutôt qu'une société étatique ».
C'est le point de vue libertarien c-à-d anarcho-capitaliste. Selon notre analyse, il n'est pas optimal car il consiste à mettre tous ses oeufs dans le même panier du libéralisme (marchés & commerce). L'État peut et doit jouer un rôle dans la société. Il est complémentaire aux marchés libres.
« La technocratie est plus efficace que la démocratie ».
Cette affirmation est infirmée par de récents travaux de R&D concernant l'intelligence collective et l'effet d'émergence induit par la diversité des points de vue. Approfondir : intelligence#emergence.
D'autre part on réfléchira utilement à cette proposition de Paul Feyerabend : « La séparation de l’État et de l’Église doit être complété par la séparation de l’État et de la Science : la plus récente, la plus agressive et la plus dogmatique des institutions religieuses. Une telle séparation est sans doute notre seule chance d’atteindre l’humanité dont nous sommes capables, mais sans l’avoir jamais pleinement réalisée » [source]. Le covidisme illustre malheureusement la pertinence de cette proposition : de nombreux faits documentés suggèrent que l'essentiel de la surmortalité observée en 2020 et 2021 (plus de quinze millions de décès au niveau mondial !) fut causée non par le virus mais par les graves effets pervers des phantasmes de catastrophisme (*), dans le chef d'experts emportés par l'hyper-dramatisation médiatique.
(*) Désorganisation du secteur hospitalier ; intubations abusives ; effondrement de la demande et de l'offre de services médicaux, par peur de la contamination ; explosion des syndromes de glissement dans les maisons de retraite, ...
Covid-19 : comment créer une atmosphère anxiogène. (1m36s - mars 2020)
« Toute organisation a besoin d'un leader pour maximiser son efficacité ».
Cette affirmation, doit être relativisée par les faits suivants :
Stabilité. Pour un despote éclairé combien l'histoire a-t-elle connu de dirigeants incompétents et malhonnêtes ? En outre, son décès peut conduire au chaos si l'appareil d'État s'est sclérosé en un système conçu par et pour lui.
Complexité. Le degré de complexité et la nature de plus en plus changeante de la société moderne ont atteint un niveau ingérable par des leaders (ministres ou chefs d'entreprise), aussi compétents soient-ils. Il résulte de cette évolution que le principe de leadership devient obsolète.
Progrès. L'on souhaite une véritable élite, et que ce statut partagé, bien plus que les individus qui l'incarnent, serve à tirer vers le haut le niveau moyen de la population, par le partage de la pratique du pouvoir (--> responsabilisation et émancipation).
D'autre part, les classes dirigeantes ne sont pas particulièrement connues pour développer une culture de l'auto-gestion. Or une croyance peut être la cause de son objet (cf. prophéties auto-réalisatrices). C'est d'ailleurs la démarche de la présente publication que de susciter l'enclenchement d'une dynamique culturelle de la DD.
« La DD devient impossible dès que la population dépasse une taille au-delà de laquelle il n'est plus possible pour chacun de connaître tous les autres membres de la communauté. Les technologies de vote et d'identification en réseau n'offrent pas de solutions crédibles à cette limitation en raison d'un risque élevé de grave piratage du système ».
D'une part, on a pas encore exploité toutes les possibilités non-technologiques. Par exemple, chaque quartier/village pourrait disposer d'un bureau de vote permanent, ce qui permettrait de procéder en permanence à des référendums.
D'autre part, l'exploitation de phénomènes quantiques permet théoriquement de repérer tout fichier informatique corrompu, ou même simplement lu sans autorisation. Ce type d'innovation technologique rehausserait considérablement le niveau de sécurisation des systèmes de votation par Internet, pour une utilisation à haute fréquence et haute échelle de population.
« Le vote par Internet, sur lequel repose la démocratie directe (noire), facilite la fraude à grande échelle ».
Si le vote traditionnel faisait l'objet d'analyses de risque aussi complètes que le vote par Internet (notamment en intégrant la concentration et publication des résultats) il est évident que le vote traditionnel perdrait de sa réputation surfaite en matière de sécurité. Le vote par Internet apporte certes ses propres inconvénients, mais le progrès technologique fait que le ratio avantages / inconvénients lui est très probablement favorable.
En voici quelques exemples :
l'exploitation de phénomènes quantiques permet théoriquement de repérer tout fichier informatique corrompu, ou même simplement lu sans autorisation ; ...
« La démocratie directe requiert un système décentralisé. Or, il est extrêmement difficile, voire impossible, de réaliser un système intégralement décentralisé. Voir notamment le théorème CAP ».
Même si un réseau 100 % décentralisé est impossible, on peut toujours tendre vers cet idéal.
« La DD est illusoire car la supposée "opinion publique" est très influencée par la répétition quotidienne des messages médiatiques dominants, qui expriment l'opinion de la classe dirigeante ».
La dimension quantitative de la répétition de messages est généralement complétée par une dimension qualitative au niveau de l'image des porteurs de messages ("leaders d'opinion"). Ainsi dans l'expérience de Milgram – qui mesure l'influence des symboles d'autorité sur l'obéissance des individus – 60% des cobayes sont allés jusqu'à "tuer" sur injonction. Cependant la validité de l'expérience fait l'objet de critiques [source1, source2].
C'est probablement vrai, mais il ne faut pas sous-estimer le nombre des individus que le conditionnement médiatique n’atteint pas. Ainsi dans l'expérience de Asch – qui mesure l'influence du groupe sur la capacité de jugement d'un individu – environ 60% des cobayes humains ne sont pas influencés.
Ceci dit, il demeure que 40 % c'est plus que suffisant pour déterminer le résultat d'une élection. La réduction de ce pourcentage requiert :
au niveau collectif (production), de garantir le contrôle démocratique des moyens de production de l'information et du savoir, ce que nous proposons de réaliser au moyen de coopératives publiques ;
au niveau individuel (consommation), d'intégrer dans notre mode de vie les principes élémentaires de l'hygiène numérique, afin notamment de se protéger des risques d'addiction aux écrans et à l'information (le contenant et le contenu).
« Seule une minorité de la population s'intéresse à la politique, de sorte que la démocratie comme expression de la majorité est une illusion ».
Entre le début et la fin du 20° siècle, le taux de participation des citoyens suisses aux référendums est passé à près de 70% à moins de 30% [source]. Cependant, une étude réalisée par une chercheuse de l’Université de Genève montre que les abstentionnistes réguliers ne représentent que 15%, pour autant de votants réguliers, de sorte que 70% de la population vote irrégulièrement [source].
Dans quelle mesure n'est-ce pas justement parce que le système politique est accaparé par la classe politique et ses commanditaires fortunés que de nombreux citoyens s'en désintéressent ? D'autre part il ne faut pas se faire d'illusion : il n'y aura jamais de participation volontaire de tous au processus démocratique, même direct. Mais est-ce problématique dès lors que quiconque souhaitant y participer (dont experts, personnes directement concernées, etc) jouisse du droit de le faire ? Ainsi le cas de la Suisse montre que le taux de participation aux référendums est élevé lorsque les objets sont considérés comme importants. D'autre part, il est pertinent que les gens s'abstiennent lorsqu'ils ne s'intéressent pas à un sujet ou s'estiment incompétents pour juger en la matière [source].
Du point de vie de la démocratie directe, il faut distinguer la question de la participation dans ses deux aspects :
Dès lors qu'existerait la possibilité de délégation individuelle du vote par question posée (cf. /definition), on pourrait atteindre des taux de participation très élevé. La Constitution pourrait ainsi stipuler qu'une décision est validée si (i) 75 % des citoyens ont voté, et (ii) la majorité obtenue atteint 75 % des votes (cf. /definition#majorite-qualifiee). Dans ces conditions, les décisions validées auraient l'agrément de 0,75*0,75≈56% des citoyens (NB : 56/(100-56)≈1,27).
« La carte d'identité électronique (eID) – sur laquelle repose le vote par Internet – peut être utilisées de façon abusive par des gouvernements totalitaires, notamment pour le traçage non sollicité de nos activités sociales, professionnelles et privées ».
C'est évidemment le traçage non sollicité qu'il faut combattre, et non l'eID, qui permet notamment le vote par Internet et l'organisation de votations à grande échelle et à haute fréquence, c-à-d la démocratie directe. Qui renonce à utiliser couteaux et marteaux parce que ceux-ci peuvent servir à occire son prochain ...?! Se protéger des exploitations abusives des technologies en se détournant du progrès technologique est une "victoire" à la pyrrhus.
Cette critique est d'autant plus absurde lorsqu'elle est exprimée par des personnes qui n'ont pas remplacé leur smartphone par un gsm basique, ni leur système d'exploitation Windows ou macOS par la distribution libre Linux Debian, ...alors que les smartphones et systèmes non libres sont bourrés de fonctions de traçage !
Auteur : F. Jortay | Contact : | Suivre : infolettre