VIII.5. Sortir de l'analphabétisme informatique

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Màj : 22 oct. 2024  –   # pages : 7

Pourquoi l'informatique est fondamentale

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L'informatique – technologie de traitement de l'information – est fondamentale, notamment aux niveaux économique et politique :

  • économie : l'informatique est devenue un élément constitutif d'un nombre croissant de biens & services de consommation, comme de production. En outre, pour chacun de ces biens & services, la part de l'informatique augmente constamment (ainsi 40 % de la valeur d’une automobile ou de tout autre objet industriel réside aujourd'hui dans ses systèmes informatiques, qui fonctionnent sur des microprocesseurs). Il importe donc de se doter des capacités pour pleinement exploiter ces technologies – en tant que consommateur ou producteur – mais également pour se protéger de la piraterie informatique (dont les analphabètes informatiques sont les principales victimes).

  • politique : l'informatique constitue le lien entre le monde des idées et celui des objets, c-à-d entre la pensée et l'action. Son infrastructure est de plus en plus celle d'un réseau neuronal (donc potentiellement décentralisable), de sorte que l'informatique permet la création d'une intelligence collective. C'est pourquoi il importe qu'existe une offre d'informatique libre.

Malheureusement, l'analphabétisme informatique est la norme plutôt que l'exception, et pose donc un grave problème de société (il touche même de nombreux étudiants universitaires, et la plupart des cadres supérieurs).

La maîtrise du savoir faire informatique ne se limite pas aux fonctions avancées de Word, PowerPoint et Excel ! Il s'agit également de maîtriser le fonctionnement du système d'exploitation, et de développer son propre site web. Dans les deux cas, cela requiert (i) de comprendre les principes élémentaires de l'informatique (fonctionnement d'un ordinateur et du réseau auquel il est intégré) ; (ii) de maîtriser les principes élémentaires de la programmation.

Une caractéristique de l'analphabète informatique est de croire que ces principes élémentaires lui sont intellectuellement inaccessibles.

L'analphabétisme informatique freine le développement économique et politique de la société, en favorisant le consumérisme fétichiste du technologisme informationnel, c-à-d la consommation de certains biens & services technologiques malgré que leur ratio avantages/inconvénients n'est pas favorable. Ainsi la télévision et le smartphone sont les vecteurs de l'addiction aux écran et de l'info-surmenage.

Force est de constater que les populations sont bien plus incitées à utiliser les technologies de l'information comme moyens de consommation (cf. smartphone et ses "apps") que comme moyens de production (comptabilité familiale en tableur, programmation élémentaire pour l'utilisation rationnelle du système d'exploitation, site web perso,  ...). Il en résulte des citoyens passifs, se comportant plus comme des suiveurs que comme des co-décideurs.

Le fait à priori surprenant que l'enseignement de l'informatique dans le primaire et secondaire consiste essentiellement à former des consommateurs plutôt que des producteurs d'informatique pose question. S'agit-il d'une volonté des classes dirigeantes nationales, qui voient l'informatique comme une arme (cf. notion de cyberguerre) ) pouvant être utilisée comme moyen de libération contre leur hégémonie ?

Business modèle de l'alphabétisme informatique

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L'analphabétisme, forme grave de l’illettrisme, est l'incapacité à lire et écrire [source].

Lorsqu'on analyse le phénomène d'analphabétisme, il est utile de souligner ces propriétés fondamentales qui distinguent lecture et écriture :

  • la lecture est une activité de consommation ;
  • l'écriture est une activité de production.

Ainsi, dans la mesure où consommer est moins émancipant (mais aussi plus facile) que produire, l'incapacité d'écrire est encore plus handicapante que l'incapacité de lire.

Or force est de constater que dans les systèmes politiques non démocratiques (c-à-d tous à ce jour, puisque la démocratie parfaite n'existe pas), les politiques publiques de lutte contre l'analphabétisme informatique se contentent volontiers de remédier à la seule incapacité à lire c-à-d à consommer des produits et services numériques. Cela n'est pas particulièrement surprenant : toute classe dirigeante tend à maintenir la population dans l'incapacité de produire librement. Ainsi, par exemple, l'Union européenne impose une quantité gigantesque et toujours grandissante de réglementations étouffant les petites entreprises, au profit des grandes ... qui sont les principales initiatrices de l'UE.

Consommer. Dans le paradigme actuel, la consommation numérique consiste en réalité à fournir des données d'utilisateur (nom, adresse, sexe, âge,...) et des données d'utilisation (images regardées, textes lus, relations avec d'autres utilisateurs, ...) comme moyen de paiement pour des services présentés fallacieusement comme "gratuits" (email, réseaux sociaux, jeux en ligne, ...). Ce paiement consiste donc en la révélation des centres d'intérêts de l'utilisateur/client, ce qui permettra à des forces économiques d'afficher sur son écran des publicités personnalisées, et à des forces sécuritaires (police, armée) ou politiques (services de renseignement) de surveiller la population, voire de cibler des individus. Forces économiques et politiques sont généralement intimement liées.

Publicité/propagande furtive. Les messages de propagande (économique comme politique) sont d'autant plus efficaces lorsqu'ils ne sont pas présentés pas comme tels, abaissant ainsi le niveau de vigilance du lecteur [source].

Produire. Lorsque vous propagez sur les réseaux sociaux un article ou une vidéo dont vous n'êtes pas l'auteur, vous n'avez rien produit, mais juste révélé certains de vos centres d'intérêt. La production de données numériques concerne la publication de textes/images/sons originaux, dont une forme à haute valeur ajoutée est le programme informatique.

De la lecture au visionnage

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L’avènement des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), durant les années 2000, a provoqué un recul de la lecture de livres. Depuis 2021, le niveau s'est stabilisé au niveau d'avant l'ouverture d'Internet au grand public en 1992.

1992 : ouverture d'Internet au grand public
2004 : création de Facebook
2005 : création de YouTube
2007 : Apple lance son premier iPhone

Ventes des librairies aux USA depuis 1992 (Mio usd)

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Source : fred.stlouisfed.org

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vs texte

Au temps consacré à la lecture (et à la télévision), fut substitué du temps de visionnage de vidéos. Cette évolution n'est pas sans sans effets substantiels au niveau cognitif. En effet :

  • la vidéo – médium en accès séquentiel – est certes propice à la diffusion de messages favorisant la perception intuitive, mais, partant, aussi à la stimulation et à l'exploitation des affects émotionnels, ce qui est particulièrement le fait de la publicité et de la propagande ;
  • le texte facilite grandement l'accès direct (relativement à la vidéo), ce qui le rend plus efficace pour l'analyse et l'étude, et partant, le sens critique.

Par conséquent, toute autre chose étant égale, la substitution progressive de la vidéo au texte devrait logiquement inhiber les capacités d'analyse, d'étude et de sens critique au sein de la population. D'autre part, rien ne permet d'affirmer qu'une meilleure perception intuitive des messages permettrait de neutraliser le conditionnement cognitif induit par la publicité et la propagande.

Le site clipedia-txt.net/ (formation gratuite de culture générale scientifique) illustre parfaitement la complémentarité entre les langages textuel et vidéo.

Cette évolution fut accompagnée d'une régression des capacités d'écriture courante, y compris parmi les étudiants universitaires, aujourd'hui incapables d'écrire une phrase sans faute d'orthographe ou de grammaire. Or l'incapacité d'écrire sans faute d'orthographe ni de grammaire est fondamentale pour la programmation informatique, car contrairement au langage courant, dont le fond demeure correctement signifiant malgré la plupart des erreurs, cette tolérance est quasiment inexistante dans le cas des langages informatiques : une seule faute d'orthographe ou de grammaire informatique provoque le "plantage" de tout ou partie du programme.

Langages de programmation

En cliquant sur le bouton, vous provoquerez l'affichage de la date :

Date :

Voici le code correspondant à cet encadré, écrit en langages HTML, CSS et Javascript :

langage-programmation

Intuitifs. Même si vous n'avez aucune notion d'informatique, il est possible de deviner la signification de chacune des chaînes de caractères (c-à-d tout ce qui est entouré par un espace) de chacune des lignes de cet algorithme. La lectrice est vivement invitée à faire l'exercice deux ou trois fois d'affilée (éventuellement à l'aide d'un dictionnaire anglais-français).

Complémentaires. Dans le code-ci-dessus, essayez d'identifier le langage de chaque ligne ou portions de chaînes de caractères [réponses].

Responsabilités politiques

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Dès le début des années 1990, il était évident que la combinaison entre ordinateur de bureau (PC), Internet, et miniaturisation allait faire de l'informatique un élément fondamental, aussi bien au niveau des biens & services de production que de consommation, et cela dans un nombre croissant de secteurs.

Il est donc absolument incompréhensible qu'à l'exception de quelques pays tels que Taïwan, la Corée du sud ou encore Israël, il ait fallu plus de vingt ans avant que l'informatique commence à trouver une (petite) place dans le programme de l'enseignement obligatoire. Mais un programme n'est pas suffisant. Encore faut-il des enseignants capables d'enseigner l'informatique, et suffisamment nombreux. Or les informaticiens trouvent un rapport rémunération/stress du travail nettement plus élevé dans les entreprise privées que dans l'enseignement (notamment en raison de l'ampleur prise par les faits de violence et de racket en milieu scolaire).

On ne s'étonnera donc pas que les cours d'informatique dans les écoles consistent essentiellement à utiliser les fonctions de base de produits Microsoft (Word et Excel), plutôt que (i) remplacer les systèmes d'exploitation propriétaires MS Windows et Mac par Linux-Debian, et (ii) apprendre à utiliser les lignes de commandes. Ainsi force est de constater que le programme de l'enseignement obligatoire en informatique concerne essentiellement la consommation de produits & services informatiques, plutôt que leur production. Le caractère systémique d'une analphabétisation informatique ressort de façon flagrante d'un rapport de l'Insee, intitulé "L’usage des technologies de l'information et de la communication par les ménages", et dans lequel les seuls éléments mesurés sont les connections à Internet et les achats sur Internet. Rien sur l'utilisation d'un tableur, la possession d'un site web, ou encore d'un nom de domaine [source] ...

Selon nous, la responsabilité des États, et plus précisément des décideurs politiques, concernant l'ampleur de l'analphabétisme numérique, est liée à la préférence donnée aux produits Microsoft plutôt qu'aux logiciels libres. Ce choix est probablement le résultat de plusieurs phénomènes :

  • une corruption systémique des décideurs politiques ;
  • le renoncement, par les décideurs politiques, aux entreprises publiques, alors qu'elles pourraient proposer aux consommateurs une alternative de produits & services répondant à une logique d'intérêt collectif plutôt que de maximisation des profits [approfondir] ;

  • le fait que l'informatique est une forme moderne d'arme (cf. la notion de cyberguerre), de sorte que l'analphabétisme informatique organisé pourrait être considéré, par la classe dirigeante, comme un moyen de priver la population de cette arme (de défense comme d'attaque, contre un gouvernement totalitaire). Dans cette optique, le gouvernement viserait à concentrer l'enseignement obligatoire de l'informatique sur la consommation numérique (dont le technologisme) plutôt que sur la production informatique (dont la programmation).

Responsabilités individuelles : comment en sortir

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L’analphabétisme informatique est caractérisée par deux tendances étrangement contradictoires :

  • d'une part, un fétichisme technologique consumériste, consistant en l'utilisation frénétique de certaines technologies, malgré que leur ratio coût/bénéfice soit défavorable pour le consommateur (cf. télévision et smartphone, vecteurs de de l'addiction aux écran et de l'info-surmenage ;

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  • d'autre part, un dénigrement des technologies, considérées comme trop complexes ou envahissantes.

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Ainsi peut-être faites-vous partie de ces personnes (très nombreuses, notamment dans les milieux complotistes) qui dénoncent l'omniprésence envahissante des technologies de l'information (systèmes de paiement, de contrôle d'identité, de géolocalisation, etc) ... tout en achetant les principaux vecteurs de ces technologies : un smartphone dans la poche, un GPS dans la voiture, et une télévision (grand écran + abonnement) à la maison ! Et cela alors que la vie sociale et professionnelle est pourtant possible et bien plus agréable sans ces kystes technologiques ...

L'ordinateur portable est certes aussi un vecteur potentiel d'addictions consuméristes, mais son ratio utilisation productive / utilisation consumériste est de très loin plus élevé que pour le smartphone et la TV. Ainsi, concernant le numérateur du ratio, il est extrêmement difficile voire impossible d'utiliser pleinement les potentialités d'un tableur avec un smartphone (exemple).

Pour assumer nos responsabilités individuelles, voici deux groupes de possibles actions complémentaires, que l'on pourrait considérer comme autant de conditions à l'émancipation et la citoyenneté informatique :

  • réaction :

    • virer la TV ("ni grand écran, ni abonnement") ;
    • remplacer le smartphone par un dumbphone.
  • proaction :
    • intégrer dans notre mode de vie l'auto-formation permanente en informatique (à l'instar de la pratique régulière d'une activité physique en plein air) :
      linux-debian.net/citoyennete-numerique ;
    • remplacer le système d'exploitation de notre ordinateur par un SE libre :
      linux-debian.net.
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Auteur : F. Jortay   |   Contact :   |   Suivre : infolettre

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